rappel géographique

rappel géographique

la grande descente

      La date fatidique du billet d'avion approchant, avec environ 2500 km à parcourir jusqu'à Santiago, il a fallu (à grands grands regrets) quitter la Bolivie et retourner au Chili, pour une longue descente. 

     Un bus de nuit, le poste frontière à passer et je me réveille à la gare routière d'Iquique, avec de gros doutes sur "quelle heure est-il ?": le Chili a décidé cette année de semer le trouble et de ne pas adopter l'heure d'hiver, ce que n'ont pas enregistré les appareils qui se mettent automatiquement à l'heure. Retour au Chili donc, le pays où les gens aiment se/vous faire peur, et pendant que j'attends un peu que le soleil se lève pour m'aventurer en ville, quelques personnes m'abordent séparément/spontanément pour me dire que cuidado, c'est vraiment très peligroso ici, qu'on va me voler, me tuer et que sais-je encore, comme ce fait divers le mois dernier à Santiago, blablabla. Bon, rien de tel évidemment.

    Iquique(kékéké), ville au milieu du désert nord-chilien, coincée entre l'océan et une immense dune de sable, claustrophobes s'abstenir, phobiques des tsunamis, s'abstenir encore plus. Ville moderne, avec un centre ancien qui a l'air tout droit sorti d'un western, des plages aménagées, et sur les plages, des centaines de surfeurs, quelques uns dans l'eau aussi, et là je dois dire chapeau, vu la taille des vagues et la taille des poissons visibles dans les vagues.







     Pas grand grand intérêt à Iquique, jusqu'à la découverte de son merveilleux port de pêche. Des marins en grève, des chats qui attendent le poisson en traînant, à coté de pélicans, et de lobos marinos gigantesques. On m'a parlé de ceviches (découverte culinaire de ma vie, la recette est facile et ici) incroyables aussi, mais grève oblige, pas de poissons, pas de ceviches, juste le spectacle des lions de mer affamés qui viennent mendier et aboyer après le chien quand il s'approche un peu trop.






    Passée la dune de sable, on s'enfonce dans le désert. Des routes toutes droites, beaucoup de poussière, une chaleur étouffante bien qu'on soit en mai (l'équivalent de novembre dans l'hémisphère nord). à une bonne heure d'Iquique, en parallèle de la route, la ville fantôme d'Humberstone.

Retour au Chili, retour aux "passerelles", qui permettent de traverser en toute sécurité des routes désertiques et 
rectilignes, où toute voiture approchant se repérerait bien 5 minutes avant son passage. Mais bon, pourquoi pas.


     à l'origine, une usine de traitement du nitrate de potassium, fondée en 1872 par monsieur Humberstone (tiens tiens, pas très chilien comme nom). Le site prospérant, il a rapidement donné naissance à une ville, toute bien aménagée: plan en damier, école, hôpital, supérette, et même piscine et théâtre. Mais badaboum, près d'un siècle plus tard le potassium c'est plus trop ça, et les sites sont abandonnés plus ou moins du jour au lendemain. 
Ambiance bien étrange dans cette ville absolument vide, à peine entretenue, sableuse, venteuse.






    Après quelques jours de repos à Iquique, départ pour San Pedro de Atacama avec deux petits suisses, Eliott et Laurie, et Thibaud, un français. Une nuit bien rigolote dans un bus où le chauffeur attend que l'on s'endorme pour nous demander nos billets rien-qu'à-nous-les-touristes, puis où, sur les coups de 3h du matin, il faut sortir du véhicule et procéder à une vérification des sacs pour cause de changement de région, avec des douaniers plus portés sur le vocabulaire français ("bonjour"; "rendez-vous"; "Paris"; "amour") que sur la vérification des sacs à proprement parler.  
De bon matin, on arrive à Calama, puis à San Pedro. 






     Village tout joli au milieu du désert et des montagnes enneigées, mais aussi tout touristique, donc tout cher, un choc après la Bolivie. La solution la plus économique pour voir les environs s'avère donc être la location d'un van, qui combine transport, logement, cuisine (salon, salle à manger, salle de bain, bureau, ...).
    Dans les environs: des montées à plus de 4000 mètres, des lagunes, cactus et flamands roses, des villages en pisé, un Salar par-ci par-là, on sent une certaine lassitude/blasitude, peut-être est-il temps de rentrer.  








En guettant le rayon vert...

Surprenante quand même, la vallée de la lune, avec ses paysages lunaires donc, le blanc du sel au sol, et le blanc de la neige au loin.









     Et puis comme le van c'est chouette et que l'on est trois à aller dans la même direction dans les mêmes délais, on part pour le sud avec Santiago pour objectif, une dizaine de jours de location, et plus de 2000 bornes à parcourir. Une belle entente franco-suisse dans le bus magique, élaborée pas à pas après avoir compris leur dialecte douteux (dans mon cornet de frouz, j'ai un natel, un linge de bain, quelques Q-tips, une panosse et un feune, c'est pire lourd) et accepté leurs traditions encore plus douteuses à base de marmite et de faire périr les ennemis de la République. Mais bon, j'étais en minorité, et dormir à trois dans trois mètres carrés pendant dix jours, ça créé du lien.



Un point sur les routes nord-chiliennes: plutôt confortables après celles de Bolivie (si si, du goudron !), exception faite des gros trous impromptus en pleine autoroute, et du manque cruel de stations essence qui nous a valu de belles frayeurs (on parle là de centaines de kilomètres sans un signe de vie).  

Première étape à Antafogasta, où on ne peut pas dire que la nuit ait été de rêve: sur un parking dont le seul attrait est l'océan proche, avec des chiliens festifs qui finissent par prendre notre bus comme urinoir... pendant qu'on dort dedans. 



De la route, de la route, dans le désert

"mano del desierto". Voilà, une grosse main en plein milieu de rien.


    En allant au sud, on passe dans des régions sinistrées des dernières catastrophes naturelles (au Chili, il y en a toujours une qui traîne, entre tremblements de terre, volcans, tsunamis, ...): des inondations, à l'origine de coulées de boue, qui ont détruit une bonne partie de certaines villes que l'on traverse. 


El parque natural Pan de Azucar


Charanal. Avant la catastrophe, la ville ne devait déjà pas être bien guillerette
 avec ses maisons en taule; maintenant c'est carrément glauque. 


Une nuit à Bahia Inglesa, encore sur un parking mais plus calme cette fois, les seuls occupants étant des bandes de chiens, plutôt pacifiques. Petit déjeuner face à l'océan, limpide et tranquille dans la baie.


On descend, on descend, puis on bifurque de la grande route jusqu'à Punta Choros, en rade totale d'essence (pas une station à moins de 160km). Alors on demande aux passants comment faire, et après avoir décrypté les indications de deux dames (chiliennes, âgées et sans dents, d'où la nécessité de décryptage), on peut se ravitailler un peu. 
à Punta Choros, il est généralement possible de prendre un bateau pour aller voir pingouins, otaries, dauphins, baleines et autres merveilles du monde. Mais la mer étant "muy mala" au moment de notre passage, il y a interdiction de sortir les bateaux (ce qui se comprend bien quand on voit les vagues énormes s'explosant sur les rochers aiguisés). Alors on s'enfonce un peu dans le no man's land, et c'est comme ça que l'on rencontre Sure.

    Sure (en fait c'est Victor), 52 ans, communiste et philosophe, vit dans ce coin perdu depuis plus d'un an, tout seul avec un renard qui s'approche prudemment pour manger un peu. Sa maison est une cabane, un lit, un réchaud, quelques livres et pas d'électricité. Pour gagner sa vie, il ramasse et vend des algues (350 pesos le kg, soit 0,50 euros, quand on pense au prix des cosmétiques aux algues). 
Hôte (dans sa cabane, quand même pas mal pour manger - pour une fois - à l'abri du vent) et guide des environs, incroyable de gentillesse. 


Cadeau de Sure ! La mandibule + dent de phoque, qui ressemble à une mouette. Bon, j'ai pas ramené la mandibule

Eliott, Sure, Laurie





Laurie déguisée en Causette




Ce qu'il reste d'une baleine échouée après quelques semaines: sa graisse ! 
Quelque part, c'est encore plus rare que de voir une vraie baleine qui nage !





    Les jours passant, il a quand même bien fallu repartir. Toujours au sud, on sort enfin du désert pour une vallée verdoyante, magnifique et paisible d'El Elqui. Ô joie, des arbres et des plantes. Avec une grande majorité de vignes, rouges, vertes, jaune, à flanc de montagne. 
Après quelques jours avec une quantité d'eau limité (et qui dit eau limitée, dit vaisselle douteuse, cuisine simplette et les douches mais quelles douches ?), on profite un peu du luxe d'un camping pour manger bien et sentir bon. 




Les vignes c'est pour la fabrication du Pisco, alcool national.






En reprenant la route, on se rapproche de la côte: La Serena; plage isolée de Tongoy; Vina del Mar.







Et puis on arrive enfin à Valparaiso !
Ville particulière. Pauvre et sale, mais bien vivante.
La grisaille du ciel contraste avec l'arc-en-ciel des maisons peintes, taguées, qui recouvrent les 45 cerros (collines). La ville a un peu l'air d'avoir été construite n'importe comment, et pour cause: elle a commencé en bas, au port, puis s'est peu à peu étendue sur les hauteurs. C'est labyrinthique de s'y promener: escaliers, passages, ruelles pentues, funiculaires, ... 
Au XIXe siècle, Valparaiso était sur-prospère, "la belle du pacifique". Tous les bateaux s'y arrêtaient après le calvaire du passage du Cap Horn. Et puis en 1914 l'ouverture du canal du Panama a sonné la fin de la ville: plus de bateaux, plus de commerce, plus d'argent. 











Enfin, retour le 18 mai à Santiago où c'est maintenant l'automne. Retour chez Emmanuelle, fin du voyage.